Pénurie de tuile : le toit de chaume est-il une solution ?

Face à la pénurie de matériaux liée au covid-19, puis au conflit ukrainien, de nombreux professionnels de la construction craignent de graves difficultés d’approvisionnement de matériaux dans les mois, voire années à venir. La pénurie concerne notamment les tuiles. C’est l’occasion de nous interroger sur la provenance et la fabrication de nos couvertures de toit, mais aussi de recherche des alternatives, comme le toit de chaume.

Pénurie de tuiles en 2022 : vers la fin du toit en tuiles ?

La pénurie de matériau est devenue une réalité. Depuis 2020, et avec la crise du coronavirus, le marché du BTP avait déjà été ébranlé, et commençait à souffrir de différentes pénuries.

À l’époque, c’était le gel des exportations, et surtout la mise en pause de la production dans de nombreuses usines lors des confinements, qui avait entraîné une première difficulté d’approvisionnement, conséquente parmi de très nombreux matériaux du bâtiment. Cette première crise a considérablement limité les stocks de matériaux et de tuiles en France.

Comme si cela ne suffisait pas, la guerre en Ukraine a enfoncé le clou en 2022. La cause ? La hausse du prix du gaz, essentiellement produit en Russie. Cette hausse a impacté le coût des transports de matériaux… mais pas que !

Dans le cas de la tuile en terre cuite, il faut savoir que la plupart des fabricants de tuiles utilisent le gaz pour cuire les tuiles à haute température, procédé essentiel à leur fabrication. Résultat ? La hausse du coût des énergies a tout bonnement fait cesser certaines usines de productions de tuiles, devenues bien trop coûteuses à réaliser. D’autres usines fonctionnent quant à elles en flux tendu, face à la demande grandissante.

Dans l’immédiat, les délais de livraison de tuiles sont devenus bien plus longs. À terme, on craint une hausse considérable du coût de cette couverture de toit si populaire en France (les prix ont déjà augmenté de 30 % entre janvier et juin). Nombreux sont les couvreurs à prédire qu’une forte tempête en France pourrait s’avérer désastreuse, car elle révèlerait la grande difficulté à s’approvisionner en tuiles.

Pourquoi le toit de chaume pourrait-il remplacer les toits en tuiles ?

Les couvreurs français sont nombreux à craindre le chômage technique, faute de matériaux. Le problème est d’autant plus important que d’autres couvertures comme le zinc se font également rares.

On peut donc se pencher sur les alternatives à la tuile et aux matériaux de toit les plus répandus. Parmi les candidats ? La couverture chaume. Le toit de chaume est une couverture de toit qui a plusieurs millénaires à son actif !

Entièrement composé de végétaux (le plus souvent de la paille de seigle, ou des joncs de roseaux), c’est une couverture très facile à produire, mais assez technique à poser. Le toit est formé à l’aide de bottes de chaume, liées les unes aux autres sur des liteaux. C’est la densité des bottes de chaume qui garantit l’étanchéité parfaite de cette toiture traditionnelle. Petit bonus ? Une épaisseur suffisante de chaume (40 centimètres ou plus) garantit une excellente isolation acoustique et phonique.

Ses avantages face à la crise des matériaux ? Le chaume est entièrement composé de matières renouvelables, sans procédés chimiques et sans cuisson. Il peut être produit en France (notamment en Camargue), mais aussi en Europe. Bien plus léger que les tuiles ou l’ardoise, il s’avère plus simple et moins coûteux à transporter.

Comme il s’agit d’un toit qui fait partie du patrimoine français (notamment en Bretagne et en Normandie), il est accepté par la plupart des règles locales d’urbanisme, y compris en rénovation. En conséquence, on peut raisonnablement imaginer un avenir où les tuiles sont peu à peu remplacées par des toits en chaume !

Les limites de la couverture chaume face à la pénurie de tuiles

Bien entendu, l’idée d’un remplacement complet de la tuile par le chaume est loin d’être une réalité ! Dans l’immédiat, le prix d’un toit de chaume est nettement plus élevé que celui d’une toiture en tuiles. Cet écart pourrait non seulement se réduire, puisque le coût de la tuile, mais aussi des matériaux isolants qui accompagnent sa pose (laine de roche, laine de verre, etc.) ne cesse de grandir.

Autre défaut du chaume, c’est une couverture qui nécessite un entretien régulier, avec un démoussage qui doit être réalisé à la main tous les 3 à 5 ans.

Mais la principale limite ? Les couvreurs chaumiers, professionnels habilités à poser de telles toitures, sont très peu nombreux en France. Et pour cause, les formations de couvreur ou couvreur zingueur ne prennent pas en compte ce matériau de toiture ancien, qui n’est enseigné dans aucune formation d’État.

Il paraît néanmoins aujourd’hui intéressant de se pencher sur le sujet. Les entreprises de toiture, qui ont de plus en plus de mal à honorer leurs commandes, faute de matériaux, ne seront-elles pas forcées à utiliser très prochainement des matériaux plus accessibles, notamment au niveau local ?

Si la pénurie de tuiles n’est pas absolue (l’argile, l’eau et le sable qui sont utilisés dans sa fabrication restent très faciles d’accès), il reste utile de s’interroger sur les alternatives en ces temps incertains.

Vers l’essor des matériaux biosourcés ?

Si le toit de chaume est un bon exemple d’alternative à des matériaux de construction plus polluants et difficiles à produire, il n’est pas le seul matériau biosourcé qui pourrait prendre de nouvelles parts de marché dans les décennies à venir.

Au global, on peut imaginer que le secteur de la construction va de plus en plus chercher des matériaux locaux, naturels et renouvelables. On parle aussi de matériaux biosourcés pour désigner ce type de produits.

Tout comme le toit de chaume était une toiture fermière, remplacée à partir du XIXe siècle par des matériaux plus modernes, on pourrait imaginer le retour sur le marché de techniques de construction anciennes, avec pourquoi pas des murs en torchis ou en bois, qui viendrait remplacer la brique en terre cuite, elle aussi en pleine pénurie !

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