Le cyberislamisme, dernier front dans la lutte contre le djihad en France

PARIS – Parmi les nombreux fronts ouverts par le choc de la décapitation du professeur Samuel Paty, il y a aussi ce que le gouvernement français appelle le « cyber-islamisme », c’est-à-dire la propagande des djihadistes ou aspirants djihadistes, qui propagent la haine contre les « incroyants », indiquent des cibles à abattre, font du prosélytisme. Et qui, comme cela s’est malheureusement produit, se traduit souvent par des attaques. En première ligne contre le terrorisme islamique, le gouvernement de Paris veut renforcer la lutte contre ce phénomène qui n’est pas nouveau, mais qui, dans le cas de Paty, a été décisif.

Le Premier ministre Jean Castex a demandé à rencontrer la présidente de la Commission Ursula Von der Leyen à Bruxelles. L’objectif est de trouver une position commune au niveau de l’UE, afin d’être plus fort dans les négociations avec des plateformes telles que Facebook ou Twitter pour freiner la haine sur le Net. Début décembre, la Commission présentera la loi sur les services numériques, qui sera très large et devrait également contenir des mesures contre le discours de haine, un terme très large allant de contenu homophobe, sexiste, antisémite, raciste à l’incitation à la haine et à la violence. C’est une question épineuse, qui recoupe la liberté d’expression et le statut des plateformes qui n’ont pas autant de responsabilité directe que les éditeurs de médias.
La France avait déjà essayé l’été dernier de faire passer une loi contre la haine sur Internet, la loi dite « Avia », du nom du rapporteur, mais elle a été rejetée par la Consulta. Le Premier ministre Castex promet maintenant de revenir à l’attaque. La vice-ministre de l’Intérieur, Marlène Schiappa, a reçu les responsables des grandes plateformes pour leur demander un plus grand engagement en faveur de la modération. Schiappa a annoncé la création d’un service pour contrer la propagande du cyber-islamisme sur les médias sociaux, souvent accompagnée d’accusations d' »islamophobie » auprès des autorités. L’un des exemples typiques est le Collectif contre l’Islamphobie en France, qui recueille depuis longtemps les prétendus épisodes de racisme contre les musulmans et dont le gouvernement vient d’ordonner la dissolution.

Depuis 2009, le ministère de l’intérieur a créé la plateforme Pharos pour traquer les contenus illégaux en ligne. La semaine dernière, depuis l’attaque de Paty, 1 279 rapports ont été enregistrés, ce qui a conduit à 27 arrestations, dont plusieurs personnes qui ont écrit des messages de soutien au terroriste. Eric Dupond-Moretti a annoncé la création d’une nouvelle unité spécialisée au sein du parquet de Paris pour « centraliser les procédures judiciaires et ainsi améliorer leur efficacité ». Jusqu’à présent, seuls trois magistrats ont eu à traiter des plaintes dans toute la France.

Le profil Twitter d’Abdoullakh Anzorov, le Tchétchène de 18 ans qui a tué Paty, avait déjà fait l’objet de plusieurs rapports au service Pharos. Son compte, sous le pseudonyme « Tchétchéne_270 », était déjà entré dans le collimateur en juillet après la publication d’une photo de décapitation. Les gendarmes, disent-ils maintenant, n’avaient reçu aucune réponse du groupe américain pour retracer l’identité du profil. La dernière alerte au service gouvernemental était arrivée le 10 octobre, quelques jours avant l’attentat : des messages explicites sur le djihad. Cette fois, l’alerte est parvenue aux services antiterroristes, mais sans qu’aucune mesure ne soit prise. Finalement, c’est sur « Tchétchéne_270 » que le tueur a posté sa réclamation avec des photos vendredi dernier. Et jusqu’à samedi après-midi, l’image de la décapitation pouvait encore être trouvée sur le Net.
L’attentat de Conflans-Sainte-Honoré est né sur le Net. Jusqu’au 7 octobre, Anzorov, qui vivait à Evreux, en Normandie, ne savait rien du professeur Paty ni du collège au nord de Paris. Il a été inspiré par la vidéo de Brahim Chnina, père d’un élève de professeur d’histoire, soutenu par un agitateur islamiste et antisémite bien connu, Abdelhakim Sefraoui. Les deux hommes – qui font actuellement l’objet d’une enquête pour participation et complicité dans un groupe terroriste – avaient diffusé sur YouTube et Facebook plusieurs appels contre le professeur qui avait parlé des caricatures de Mahomet lors d’un de ses cours le 5 octobre dernier. Chnina avait laissé son numéro de téléphone portable dans une vidéo et est ainsi entrée en contact avec Anzorov.

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